L’approvisionnement en broutards sur la période de creux (juin-juillet) est lié aux périodes de naissance. Dans ce cadre, entre 2021 et 2024, Ferm’inov a conduit des travaux sur des veaux charolais nés à l’automne pour évaluer l’impact du pâturage tournant sur la complémentation et la croissance. Les résultats montrent qu’une complémentation hivernale raisonnée (1 kg de mash/100 kg de poids vif) est suffisante pour sécuriser les performances. Au pâturage, la suppression de la complémentation est envisageable si le pâturage tournant est bien maîtrisé, avec une gestion rigoureuse de la qualité et de la quantité d’herbe offerte. Cette conduite permet d’économiser jusqu’à 100 kg de concentrés par veau et d’améliorer la marge économique de 25 à 30 € par broutard. Les veaux non complémentés ont atteint des gains moyens quotidiens (GMQ) jusqu’à 1 600 g/j en 2021, mais des conditions climatiques défavorables en 2024 ont réduit ces performances. Ainsi, l’absence totale de complémentation est possible, mais son succès dépend fortement des conditions climatiques et de la qualité du pâturage.
Les essais ont visé à comparer deux lots de 10 à 12 couples mères-veaux mâles charolais nés à l’automne (septembre) avec des niveaux contrastés de complémentation des veaux en bâtiment et au pâturage.
En 2021 et 2022, sur la période en bâtiment, les veaux sont complémentés avec un mash fermier (50 % d’orge aplatie, 25 % de pulpes de betteraves déshydratées, 23,5 % de tourteau de colza et 1,5 % de minéral) et rationnés à 1,0 kg de mash par 100 kg de poids vif avec du foin à volonté. A la mise à l’herbe, un lot de veaux est complémenté et plafonné à 3 kg de concentrés/tête/jour et un second lot n’est pas complémenté.
En 2023 et 2024, sur la période naissance-vente, un lot de veaux est complémenté en bâtiment (1,0 kg de mash/tête/jour) et au pâturage (3 kg de concentrés max/tête/jour). Le second lot ne reçoit aucune complémentation sous la mère entre la naissance et la vente.
Les deux lots sont conduits en pâturage tournant sur 5 parcelles de prairies permanentes avec le même niveau de chargement, à savoir 35 ares par équivalent vache-veau. La date de vente est déterminée par un objectif de poids cible compris entre 420 et 440 kg nets payables.
En bâtiment, les consommations de concentrés varient entre 186 et 305 kg/veau en fonction de la durée hivernale pour un niveau de complémentation fixé à 1,0 kg de mash/tête/jour et plafonné à 3,5 kg de concentrés/tête/jour en fin d’hiver.
Au pâturage, la quantité de concentré consommée est dépendante des conditions de pousse d’herbe : entre 100 kg et 194 kg de concentrés consommés/tête/jour entre 2021 (conditions de pâturage favorables) et 2024 (herbe de mauvaise qualité avec un lâcher tardif).
Par rapport à un pâturage libre à deux parcelles, la conduite des animaux en pâturage tournant à permis d’économiser entre 70 et 100 kg de concentrés/veau.
Sur les 4 années de travaux, les croissances observées en bâtiment sont proches : entre 1450 et 1600 g/j pour les veaux complémentés.
Au pâturage, les croissances du lot non complémenté varient en fonction des conditions météorologiques et de la pousse de l’herbe : 1604 g/j en 2021 avec un pâturage de qualité vs 1064 g/j en 2024 à cause d’un lâcher tardif et d’une herbe de qualité médiocre.
L’absence de complémentation depuis la naissance couplée à des conditions de pâturage médiocres en 2024 a entraîné des faibles GMQ sur la période naissance-vente (1124 g/j), en dessous de l’objectif visé de 1300 g/j.
La mise en place du pâturage tournant à 5 parcelles améliore la marge économique des mâles complémentés au pâturage : entre 25 € à 30 € sur la marge/broutard complémenté en conjoncture 2024.
A même date de vente, un intérêt pour la complémentation est souligné mais un écart de marge en faveur du lot complémenté est possible en décalant la date de vente avec un maintien du prix au kg (15 jours) et en situation de forte hausse du coût des intrants comme en 2023 avec un prix moyen du concentré de 418 € contre 262 € en 2021.
En bâtiment, la complémentation permet de sécuriser les performances et de disposer d’animaux suffisamment lourds au printemps pour bien valoriser l’herbe. Toutefois, celle-ci est à raisonner (1,0 kg de mash/100 kg de poids vif) et en particulier en fin d’hiver (3,5 kg de concentrés max/tête/jour) pour ne pas détériorer les croissances au pâturage.
Au pâturage, la complémentation ne se justifie pas si les conditions de pâturage sont bonnes et si le pâturage tournant est bien maîtrisé c’est-à-dire avoir une bonne maîtrise de la qualité et la quantité d’herbe offerte aux animaux.
L’absence de complémentation depuis la naissance jusqu’à la vente n’a pas permis d’atteindre les objectifs de production une année sur deux à cause de conditions de pâturage non optimales et donc de croissances moindres. Le retard de poids pris sur l’hiver 2024 n’a pas pu être rattrapé au pâturage comme cela avait été observé sur 2023 dans des conditions de pâturage plus favorables.
Ces 4 années d’essais sont riches d’enseignements ! Ils montrent qu’une absence de complémentation au pâturage permet d’atteindre les objectifs de poids de vente fixés à condition que météo et pâturage tournant soient au rendez-vous. Une complémentation hivernale maîtrisée est également souhaitable. La croissance du veau passe aussi par la conduite alimentaire des mères et l’optimisation de leur potentiel laitier. Ces enseignements s’inscrivent dans une démarche de durabilité favorable à l’économie de la filière et aux attentes sociétales renforçant la place de l’herbe dans les conduites.
« Pâturage tournant et croissance des veaux, un duo gagnant »
Jérémy Douhay
Institut de l’élevage
➧ POUR EN SAVOIR PLUS
Adrien Demarbaix
adrien.demarbaix@sl.chambagri.fr
Thierry Lahémade
thierry.lahemade@sl.chambagri.fr
Chambre d'agriculture de Saône et Loire