enquête Agrocampus Ouest - Idele - CRAB (sources BCLEO et Eilyps)
La traite présente l’inconvénient d’être une astreinte répétitive, classiquement positionnée en tout début et en toute fin de journée. Deux essais réalisés à la station de Trévarez confirment pourtant qu’il est possible de rapprocher les deux traites quotidiennes. Les vaches adaptent leur production en un mois. Néanmoins, la perte éventuelle de taux (TP) est à mettre en balance avec la flexibilité gagnée.
Vous trouverez ci-dessous les principaux résultats techniques de cette expérimentation, leurs conséquences économiques possibles ainsi que des conseils de mise en oeuvre.
L’objectif de l’étude réalisée à Trévarez était d’évaluer l’impact de la réduction de l’intervalle de traite sur les performances des vaches laitières. L’intervalle testé était de 6h30 entre la traite du matin et la traite du soir, en comparaison d’un intervalle classique de 10h. L’essai a duré 4 mois, deux hivers de suite (2015 et 2016), en bâtiment, sur le lot de vaches S1 qui produit 8 500 kg de lait/an. Les vaches recevaient alors une ration à base d’ensilage de maïs, équilibrée en correcteur azoté. Elles étaient en moyenne à 3 mois de lactation en début d’essai.
Lait journalier: absence d'effet, passé le premier mois
A l’échelle de la journée, le lot « 6 h 30 » a produit significativement 4,5% de lait en moins le 1er mois d’application de la technique, puis les vaches se sont adaptées àla pratique (figure 1). En moyenne sur les trois mois d’essai, il n’y a aucun effet significatif du rapprochement des traites sur le lait produit : plus exactement, il n’y a pas d’effet de l’intervalle long de 17h30 entre traite du soir et traite du matin (tableau1). En effet, c’est celui qui engendre potentiellement des changements physiologiques dans la mamelle, pouvant réduire la synthèse des constituants du lait. De même, aucun effet n’a été noté sur le TB. Par contre, à Trévarez, le TP a été réduit de1 g/kg : cet impact est aujourd’hui inexplicable et n’a pas été obtenu dans d’autres essais réalisés à l’INRA.
A l'échelle de la traite, des fluctuations marquées
La traite du soir est plus impactée par le changement d’horaires que celle du matin. Le soir, les vaches produisent 3,7kg de lait en moins (différence significative), avec 2,3 g/kg de TP en moins, mais 9,2 g/kg de TB en plus. Le matin, elles produisent 2,8kg de lait en plus, sans effet significatif sur les taux. Ces phénomènes se compensent donc à l’échelle de la journée pour le lait et le TB, mais pas pour le TP. Pour les éleveurs qui distribuent du lait entier aux veaux, ce surplus de matières grasses dans le lait du soir doit amener à réduire la quantité de lait par veau d’un litre ou à passer à un repas de lait par jour.
Pas d'impact sur le comportement ou les cellules
Sur les deux hivers d’essai, aucun effet n’a été mesuré sur le comportement alimentaire des vaches, leur ingestion, leur état corporel et leur santé.
Les résultats obtenus à Trévarez sont cohérents avec les essais antérieurs pour le lait et le TB: un intervalle court, de 6h30, n’a pas d’impact à l’échelle de la journée, une fois passée une période d’adaptation d’un mois environ. La baisse de TP reste inexpliquée. Appliquée à un troupeau produisant 400000 l de lait par an, on peut donc attendre une perte de lait d’environ 1 500 L le premier mois (soit environ 500 €), uniquement lors de la mise en place des nouveaux horaires. En routine, si la baisse de TP est observée, la perte de revenu serait de 6,6 €/1000 l vendus, soit 2 640 € par an. Ce montant correspond au passage d’une rémunération pour 39h par semaine (avec 4h supplémentaires payées) à 35h par semaine, pour un salarié d’élevage sur convention collective.
L’intervalle entre traites testé à Trévarez était de 6 h 30 en journée. Or la moyenne observée en Bretagne est de 10h23. Entre les deux, toute une gamme de possibilités existe, à adapter selon ses besoins et ses souhaits d’organisation. Selon les essais, les performances ne commencent à être affectées qu’au-dessus de 16 à 17 h d’intervalle long.
L’équipe de Trévarez a mis en œuvre le rapprochement des traites pendant deux hivers. Pour Guillaume, ce changement pour le lot 6h30 n’a pas été un souci. Quelques pertes de lait ont eu lieu au tout début dans les logettes, mais les vaches se sont adaptées en quelques jours. Elles attendaient tranquillement leur tour à la traite en mangeant à l’auge. « Il faut bien dire qu’en allant chercher les vaches à 15h pour la traite, on n’a pas le temps de courir aux champs l’après-midi, ou d’entreprendre de grands travaux », ajoute Guillaume. C’est une organisation qui convient pour un poste de salarié d’élevage ou pour finir tôt ses journées. C’est très appréciable en hiver, quand il fait nuit tôt. Notre expérience antérieure avec la monotraite nous avait déjà appris à être souples, à ne pas stresser dès qu’il y a un retard à cause d’une coupure de courant ou pendant les ensilages. Adapter ses horaires à ses besoins, cela permet de rendre la traite moins contraignante.»
« Etre souple sur les horaires, une solution pour ne pas se blaser de la traite »
Valérie Brocard
Idele
Elodie Tranvoiz
elodie.tranvoiz@bretagne.chambagri.fr
Chambres d'agriculture de Bretagne
Pascal Le Coeur
Responsable de la ferme expérimentale de Trévarez
pascal.lecoeur@bretagne.chambagri.fr
Chambres d'agriculture de Bretagne