Pâturage hivernal des génisses gestantes
notre étude

Pâturage hivernal des génisses gestantes

Faire pâturer des génisses de 19 mois en hiver ou les rentrer en bâtiment : quelles conséquences sur la croissance des animaux, le travail et l’affouragement ?
Modifié le :
11
November
2023

Évaluer la conséquence du pâturage hivernal sur :

  • Les croissances des animaux
  • La quantité d’herbe consommée et la quantité de stock économisée
  • L’impact sur le travail et le coût alimentaire

Ce qu'il faut retenir

Les génisses laissées au pâturage de novembre à février ont eu des croissances équivalentes à celles rentrées en bâtiment. Le pâturage hivernal a permis d’économiser des stocks de fourrage et de paille et n’a nécessité aucune complémentation.
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Chiffres clés

  • 90 jours
  • de pâturage hivernal
  • 238 à 538 mm
  • de pluies pendant l’essai
  • 2 à 17 j
  • de temps de séjour / paddock
  • 3 UGB / ha
  • chargement instantané
  • > 900g/j
  • de GMQ

Résumé

L’élevage de bovins doit relever à la fois le défi de l’autonomie protéique pour une moindre dépendance aux fluctuations des marchés mondiaux de matières premières et celui de l’adaptation au changement climatique. Un des impacts déjà visibles est l’augmentation de la pousse de l’herbe en automne avec une augmentation du stock d’herbe présent en début d’hiver.

Les 2 années d’essais réalisées à la station expérimentale de Trévarez en 2021/2022 et 2022/2023 montrent que cette pousse peut être valorisée par des génisses et est compatible avec leur vêlage précoce. Ce pâturage permet d’économiser des stocks d’herbe récoltée riches en protéines, valorisables par les autres catégories d’animaux et/ou utilisables sur les périodes de sécheresse.

Méthodologie

Pâturage hivernal ou enrubannage

12 génisses Holstein, gestantes depuis 4 mois en début d’essai et devant vêler au printemps, ont été réparties en 2 lots homogènes : un lot conduit en pâturage tournant sur  les parcelles de RGA-trèfle blanc, habituellement pâturées par les vaches laitières en pleine saison et un lot rentré en stabulation, alimenté avec de l’enrubannage. L’essai s’est déroulé sur 2 hivers consécutifs : du 4/11/2021 au 9/02/2022 et du 14/11/2022 au 8/02/2023, soit 97 et 85 jours d’essai.

Avant l’essai les 2 lots pâturaient d’autres parcelles et ont eu un GMQ entre la mise à l’herbe et le début de l’essai de 670 g/j.  Les génisses ont été pesées en début, milieu et fin d’essai.

Le pâturage tournant a été conduit sur 9 à 11 paddocks de 1,2 ha en moyenne, pour une hauteur entrée de 8,5 à 9 cm en moyenne,  avec un objectif d’une sortie à 4 cm (mesure herbomètre).

Pour le lot au pâturage, un échantillon d’herbe a été prélevé pour analyse de la valeur alimentaire avant chaque entrée de paddock. Chaque botte d’enrubannage distribuée a été également analysée pour le lot en bâtiment.

Les ingestions d’herbe ont été estimées à partir des croissances réalisées (équations INRA 2018), les ingestions d’enrubannage à partir de la matière sèche et du poids des bottes distribuées.

Résultat

Une herbe riche en protéines permettant de bonnes croissances des génisses

Des conditions météo différentes selon les années :

  • En 2021/2022, la pluviométrie a été de 238 mm seulement avec des températures moyennes de 7°C dont 7 jours de gel sur la durée de l’essai.
  • En 2022/2023, la pluviométrie a été de 538 mm dont 450 mm entre décembre et janvier pour une température moyenne de 7.9 °C et 15 jours de gel matinal. Les génisses ont dû sortir prématurément d’un des paddocks

Plus de 20% de MAT

L’herbe pâturée a comporté en moyenne 3% de légumineuses. La teneur en matières azotées totales est élevée (>16% pour toutes les parcelles). La valeur énergétique est bonne et supérieure à celle de l’enrubannage distribué. La valeur d’encombrement est inférieure à celle de l’enrubanné.

Valeurs de l’herbe paturée en hiver comparée à l’enrubanné distribué en bâtiment  (résultats médians des échantillons de chaque paddock avant entrée des animaux (valeurs INRA2018)

Des croissances > 900 g/j , conformes aux objectifs

L’objectif de GMQ pour un poids visé à 24 mois de 635 kg en Holstein, est de 850 à 950 g / j.
La croissance des génisses gestantes au pâturage a été en moyenne de 900 g/j sur les 2 hivers et a donc atteint les objectifs. Elle n’est pas différente statistiquement de celle des génisses rentrées en bâtiment consommant de l’enrubanné.

Résultats de croissance et de valorisation de l’herbe selon le lot et selon l’hiver (medianes)

5 à 6  TMS d’enrubannage et 3,4 t de paille économisés

Le stock d’herbe de l’automne et la pousse hivernale (6 à 11 kg/ha/j selon les hivers) a permis de couvrir les besoins des génisses sans apports complémentaires de fourrage ou concentré.
Selon les croissances réalisées et les équations INRA 2018, les génisses au pâturage ont consommé 9.1 à 9.9 kg MS / génisse / jour d’herbe contre 9.2 à 11.1 kg MS d’enrubanné pour le lot en bâtiment.
Au total durant l’essai, les 6 génisses pâturant l’hiver ont consommé 5 à 5.3 TMS d’herbe soit 380 (hiver1) à 470 kg /ha (hiver 2). Les 6 génisses en bâtiment a consommé de 5 à 6 TMS selon les hivers et 3.4 t de paille sur les 3 mois d’essais.

Avec une visite quotidienne, un temps de travail supérieur

Selon les années, le temps de travail consacré aux génisses au pâturage a été en moyenne de 10 à 20 minutes / j pour le lot (6 visites  / semaine pour la surveillance, déplacement des animaux à chaque changement de parcelles, vérification des clôtures) . Pour les génisses en bâtiment, le temps de travail est de 5 à 10 minutes par jour (distribution de l’enrubanné, paillage, raclage), pour une case.

Conclusion

Il est possible de faire pâturer des génisses gestantes en hiver

Le pâturage hivernal des génisses gestantes ne pénalise ni les croissances ni le vêlage précoce à 24 mois, dans les conditions de l’essai : génisses scindées en petits lots de 6 ou 7, pour un chargement instantané faible de 3UGB/ha environ (0.3 UGB/ha pâturé au total sur l’hiver). La pousse de printemps ne semble pas pénalisée.

Les conséquences sur le travail à évaluer

Le temps de travail est à évaluer en fonction de la distance entre le siège d’exploitation et les parcelles, et la fréquence des visites pour la surveillance. Avec une visite quotidienne et des changements de paddocks réguliers, les génisses ne semblent pas avoir été plus sauvages, mais la relation homme-animal sera évaluée lors d’un prochain hiver.

[SPACE 2023] Le pâturage hivernal, une opportunité à saisir ?

Les fermes expérimentales de Thorigné d’Anjou, La Blanche Maison et Trévarez s’intéressent au pâturage hivernal depuis quelques années. Dans cette conférence, elles partageront les pratiques de pâturage mises en place, les valeurs alimentaires de l’herbe d’hiver ainsi que les performances zootechniques des animaux ayant pâturés ces prairies (animaux en croissance ou vaches laitières).

Télécharger l'étude au format PDF

Le pâturage, tel que nous l’avons réalisé n’a pas présenté de difficultés particulières. La météo durant l’essai  a été différente selon les 2 hivers. Il faut s’assurer que le pâturage hivernal ne pénalise pas le taux de trèfle dans les cas où le sol est trop abimé en hiver.
Le premier hiver, un second lot de 6 génisses gestantes « hors essai »  pâturaient également sur la même période, le même type de parcelle avec le même mode de conduite. Il confirme les bonnes croissances au pâturage avec 1041 g/j de croissance !
De même, Le second hiver,   un lot de 6 génisses vides pâturant dans les mêmes conditions a réalisé des croissances de  833 g/j du 14/11 au 14/12/2022, pour des valeurs alimentaires de l’herbe similaires.

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«les traces de piétinement disparaissent rapidement au printemps»

Tom Duperret et Paul

Tom Duperret et Paul

Chargés du suivi de l’essai et des mesures

Contact techniques

POUR EN SAVOIR PLUS

- Pâturage hivernal : valeur de l’herbe et croissance de génisses laitières gestantes, G. Trou et al. , journée 3R2022
- Effet du pâturage hivernal sur les prairies : cap-proteine.fr

Contacts techniques

Pascal Le Cœur

Responsable de la Ferme Expérimentale de Trévarez - Chambre d'agriculture de Bretagne

pascal.lecoeur@bretagne.chambagri.fr

Guylaine Trou

Chargée d’études - Chambre d'agriculture de Bretagne

guylaine.trou@bretagne.chambagri.fr

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