Effet du pâturage hivernal sur les prairies
notre étude

Effet du pâturage hivernal sur les prairies

Après deux ans très contrastés, pas d’effets négatifs mesurés
Modifié le :
11
November
2023

Évaluer l’impact du pâturage hivernal sur les prairies (pousse, composition, dégradation éventuelle, piétinement) en hiver et au printemps

Ce qu'il faut retenir

Une herbe de qualité : > 20 %MAT pour un peu moins de 0.9 UFL(INRA 2018) - Un pâturage hivernal avec peu de conséquences sur les prairies pour les deux hivers
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Chiffres clés

  • 8-10 Kg MS/ha/jour
  • Pousse de l’herbe hivernales de novembre à février
  • 280 Kg MS/cm/ha
  • Densité moyenne des prairie
  • 1.2 tMS/ha début décembre
  • De disponible pour les vaches Bio
  • 450 mm
  • Entre décembre et janvier la deuxième année d’essai

Résumé

Dans un contexte de changement climatique, la pousse de l’herbe évolue : moins d’herbe l’été, plus d’herbe sur la période automne / hiver. Afin de maintenir leur autonomie alimentaire, les élevages vont être amenés à développer le pâturage hivernal. Hors aujourd’hui peu de références existent, de nombreuses questions nous sont posées. Quelle pousse de l’herbe pendant l’hiver ? Quelle densité prendre pour calculer l’offre en herbe ? Quelles sont les conséquences du pâturage hivernal sur la prairie ? Les essais conduits, à la station de Trévarez, avec des génisses laitières (2 hivers) et des vaches laitières (1 hiver) permettent d’apporter des premiers éléments de réponse.

Méthodologie

2 essais avec des mesures agronomiques

Des mesures de rendement, de hauteur d’herbe, de valeur alimentaire ont été faites régulièrement. Des relevés d’états des parcelles ont été effectués en début et fin d'essai.

Afin d’évaluer l’impact du pâturage hivernal, dans les deux essais des surfaces ou paddock n’ont pas été pâturées afin de servir de témoin « sans pâturage hivernal ».

Pâturage hivernal des génisses laitières
Pendant 2 hivers, des lots de génisses laitières (troupeau conventionnel) étaient conduits en 100 % pâturage pendant 85 jours (2021-2022) et 90 jours (2022-2023).

Pâturage hivernal des vaches laitières bio

25 vaches croisées Prim’Holstein x Jersiaise x Normande ont pâturé 20 paddocks de 1 à 2 jours avec fil avant en fonction de l’herbe disponible, pour une surface de 12 ha. Deux tours de pâturage ont été faits pendant l’essai.  L’essai a duré 8 semaines du 7/12/22 au 1/02/23. Les animaux sont sortis tous les jours (sauf 4 jours) malgré une météo très pluvieuse (450 mm de cumul de pluie) et un hiver froid, avec 10 jours de gel. Les parcelles ont été pâturées deux fois pendant l'essai. Au premier tour, elles étaient divisées en deux avec un fil avant pour un chargement instantané de 100 UGB/ha. Pour le second, le chargement était de 50 UGB/ha. 5 zones ont été mises en défense.

Résultat

Une densité élevée et un maintien de la pousse l’hivernale

Les densités observées ont été assez différentes en fonction des années. La médiane de l’hiver 2021-2022 était de 257 kg MS/cm/ha contre 319 kg MS/cm/ha en 2023. Rappelons cependant que les parcelles mesurées étaient différentes selon les années. Ces densités sont systématiquement supérieures à la densité de référence utilisée en Bretagne pour l’automne (245 kg MS/cm/ha). Le port très étalé et court des plants explique en grande partie ces résultats : peu de tiges et beaucoup de feuilles.

La densité de 280 kg MS/cm/ha a donc été retenue pour évaluer la pousse de l’herbe

Sur ces deux hivers, la pousse de l’herbe bien que faible a été mesurée entre 10 kg MS/ha/jour pour 2021/2022 et 7-8 kg MS/ha/jour pour 2022/2023.

Évolution des pousse de l’herbe au printemps 2023 entre zones pâturée et non pâturée (ZED)

De bonnes valeurs alimentaires

Les teneurs en Matières Azotées Totales des prairies pâturées sur les deux hivers sont assez homogènes, elles sont systématiquement supérieures à 20 % de MAT. La digestibilité est globalement satisfaisante et permet d’avoir un fourrage convenable en termes de valeur énergétique.

Valeur nutritionnelle de l’herbe des parcelles pâturées au cours de l’essai pour les deux systèmes d’exploitation (HIVER 1 = 2021-2022 ; HIVER 2 = 2022-2023) 

Un redémarrage similaire des prairies au printemps

Avec une biomasse plus faible début mars, les prairies pâturées l’hiver ont mis un peu plus de temps à redémarrer que les zones non pâturées. Par exemple en 2023, leurs croissances étaient inférieures de 15 kg MS/ha/jour en moyenne, mais une semaine plus tard, elles retrouvaient le même niveau que les zones non pâturées.
Au niveau de leur composition floristique, l’évolution au cours de l’hiver a été assez similaire entre zone pâturées et les zones en défens: baisse de la part de légumineuses puis augmentation au printemps. Une légère différence sur le pourcentage de trèfle en faveur des parcelles pâturées a été observée au printemps, mais cela reste à confirmer. 

Peu de différences de couverture du sol au printemps

L’hiver 2022/2023 a été l’occasion d’évaluer les potentielles dégradations des prairies occasionnées par le pâturage hivernal des vaches laitières. Le pourcentage de sol nu bien qu’ayant augmenté au cours du pâturage (+3.4%) revient à un niveau similaire aux zones en défens (ZED) au début du printemps. D’autres critères comme la profondeur et le nombre de traces d’onglon ont été évalués. Ces mesures devront être répétées sur plusieurs années avant de pouvoir apporter des repères fiables aux éleveurs.

Conclusion

Peu d’impact du pâturage hivernal


Les hivers 2021/2022 et 2022/2023 ont été très différents. Le premier hiver a été marqué par une pluviométrie très faible (-40% par rapport à la normale), contrairement au deuxième hiver très pluvieux notamment pendant la période des essais (450 mm entre décembre et janvier).
Il sera nécessaire de poursuivre ces essais de manière à pouvoir apporter des repères solides aux éleveurs. Néanmoins, les analyses fourragères permettent de confirmer la bonne valeur nutritionnelle de l’herbe à cette saison, notamment en azote.
Le pâturage hivernal ne semble pas pénaliser la repousse printanière, le retard de pousse a vite été rattrapé par la suite. Une petite amélioration de la flore avec d’avantage de trèfle a été observée en 2023, mais ce n’était pas le cas en 2022.
Peu de dégradations des prairies ont été observées même en 2023, mais les essais ont remis en évidence la nécessité d’avoir des chemins de qualité afin d’accéder aux parcelles.

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Pour Ludovic, l’introduction de pâturage hivernal dans la ration d’un troupeau en lactation ou pour la croissance des génisses est un levier face au changement climatique. 
L’herbe peut se pâturer par opportunité, en hiver même en condition très pluvieuse, à condition d’avoir de bonne qualité de chemins et d’adapter les temps de séjour.


 « Le pâturage hivernal est possible même en condition peu portant, en zone humide, comme à Trévarez. Avec un temps de séjour court comme cet hiver, des animaux croisés plus légers, les parcelles n’ont pas été abimées et la reprise de la végétation a été favorable au printemps » 
« Le trèfle était même plus présent en début de printemps sur les parcelles pâturées et piétinés pendant l’hiver, les légumineuses ayant eu un meilleur accès à la lumière. »
Cette technique est à évaluer sur plusieurs hivers et avec des animaux de différentes catégories d’âge, mais c’est un vrai levier pour maintenir le pâturage à toute saison, et pour s’adapter à son milieu. 

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« Le pâturage hivernal, un levier face au changement climatique »

Ludovic Lagadec

Ludovic Lagadec

Technicien d'expérimentation

Contact techniques

POUR EN SAVOIR PLUS

Benoît Possémé - Chambre d'agriculture de Bretagne

benoit.posseme@bretagne.chambagri.fr

Claire Caraes - Chambres d'agriculture de Bretagne

claire.caraes@bretagne.chambagri.fr

Valérie Brocard - Institut de l'Elevage

valerie.brocard@idele.fr

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