Pour disposer de prairies de qualité, la ferme expérimentale de La Blanche Maison renouvelle régulièrement ses prairies accessibles au pâturage. Plusieurs travaux expérimentaux menés ces dernières années ont montré l’intérêt de passer par une autre culture pour améliorer l’implantation de la prairie. En effet cela permet de couper le cycle de la prairie et des adventices. Depuis quelques années, la ferme expérimentale de La Blanche Maison passe par le maïs pour mettre en place sa stratégie de rénovation. Cependant, la culture de maïs immobilise des surfaces qui sont de fait non pâturables pendant la période estivale. Le sorgho fourrager multicoupes a donc été testé à La Blanche Maison dans le cadre d’une rénovation de prairie pour mesurer l’intérêt de cette culture en termes de surface pâturable, de production de biomasse, de valeur alimentaire, de coût de production et enfin de qualité de la prairie rénovée.
L’objectif de l’essai réalisé à La Blanche Maison était d’évaluer l’intérêt d’implanter un sorgho fourrager multicoupes dans une stratégie de rénovation de prairie pour conserver la surface pâturable en période estivale. Une prairie de deux hectares à rénover a été implantée sur 50% en maïs et 50 % en sorgho (variété pipper). La partie sorgho a été implantée le 20 mai 2020 et était destinée à être pâturée par le troupeau de 80 vaches laitières normandes en pâturage dynamique. A chaque pâturage de la parcelle ont été évaluées les quantités de biomasse produite ainsi que les valeurs alimentaires. La prairie suivante est réimplantée au plus tard fin septembre (comme pour le maïs ensilage) afin d’en disposer au pâturage dès le printemps suivant.
Lors du 1er pâturage, le sorgho mesurait en moyenne près de 1.5 mètres de hauteur (hauteur min 60 cm) . Les vaches ont pâturé la parcelle d’un hectare dans sa totalité, le pâturage au fil n’a pas été possible, les vaches n’ayant pas vu le fil. Lors des deux premiers pâturages, les vaches sont restées 48 heures dans la parcelle mais seulement 24 heures au 3ème pâturage car la biomasse y était plus faible. Le sorgho avait une bonne appétence, les vaches ont mangé toutes les feuilles du sorgho, y compris les feuilles à terre.
Aucun signe de phytotoxicité n’a été décelé lors du pâturage du sorgho, qui représentait environ 50% de la ration des vaches laitières (autre partie de la ration principalement constituée de maïs ensilage). Les périodes du pâturage du sorgho ont été trop courtes pour évaluer l’impact sur la production laitière mais les analyses de valeurs alimentaires réalisées montrent un fourrage équilibré, avec des valeurs de 178 g/kg de MAT et 1 UFL.Le rendement total des 3 pâturages cumulés est de de 5.3 TMS/ha, la biomasse était plus faible lors du 3ème passage.
Le sorgho a été implanté le 20 mai 2020 à une densité de 25 kg/ha grâce à un semoir en lignes. Il aurait du être implanté un peu plus tôt pour profiter de l’humidité du sol après prairies (problème de disponibilité de semence). Le sorgho n’a reçu aucun traitement ni fertilisation. La prairie a été ressemée fin septembre après un travail superficiel du sol, dans une parcelle post sorgho présentant un degré de salissement plus important que la partie maïs, car aucun désherbage n’avait été effectué. L’itinéraire technique aurait pu être amélioré.
Les résultats obtenus à La Blanche Maison montrent que le sorgho fourrager multicoupes présente un intérêt dans la stratégie de rénovation de prairie. Pâturable plusieurs fois en période estivale, il permet de conserver un fourrage pâturable l’été et ainsi diminuer la distribution à l’auge. Avec des valeurs alimentaires équilibrées, un IFT faible, il est une alternative fourragère intéressante et permet de proposer un fourrage vert pâturable même en période sèche. Le sorgho est également un levier intéressant dans un contexte de changement climatique, dans des terres ayant un contexte pédoclimatique plus séchant, ou dans les terres qui ont un rendement maïs plus faible (<12TMS/ha). Il apparait également des leviers d’actions pour améliorer les résultats:
L’essai sera reconduit en 2021 afin de tester ces leviers d’actions.
A La Blanche Maison, ferme expérimentale laitière en agroécologie, la rénovation des prairies est un enjeu important. La rénovation s’effectue en passant principalement par un maïs afin de couper le cycle de la prairie et d’obtenir une production fourragère pour le troupeau. "Le maïs cultivé occupe une surface qui n’est pas pâturable pendant la période estivale qui peut s’avérer critique certaines années pour la gestion du pâturage. L’essai du sorgho fourrager multicoupes nous a permis de tester une autre stratégie de rénovation de prairie. Les résultats sont intéressants: nos vaches ont pu pâturer une parcelle de sorgho vert à une période où l’herbe venait à manquer, et les valeurs alimentaires de ce fourrage étaient bonnes. D’un point de vue économique, certes le rendement est moins élevé qu’un maïs, mais les coûts liés à la culture sont beaucoup moins élevés également." Les coûts sont estimés à 10 €/TMS en sorgho contre 37 €/TMS pour le maïs. "Ces stratégies ne sont pas à opposer, mais à adapter selon les objectifs de chaque éleveur."
"Conserver des surfaces pâturables l’été, un défi pour demain"
Lucie Morin
Responsable de la ferme expérimentale de La Blanche Maison
Flore Lepeltier
Gestionnaire de projets R&D à la ferme expérimentale de La Blanche Maison
Claire Caraes
claire.caraes@normandie.chambagri.fr
Cultiver du sorgho en Normandie (Chambre régionale d’agriculture de Normandie)