Développer l’autonomie protéique des élevages de ruminants est aujourd’hui un enjeu national, notamment pour accroître notre souveraineté protéique. Cette expérimentation située à la ferme expérimentale de La Blanche Maison (50) est centrée sur un système laitier en agroécologie, où la valorisation de l’herbe est au cœur du dispositif, notamment au pâturage. L’objectif est de tester l’intérêt d’un pâturage tournant de couverts riches en légumineuses (PME) par rapport à une prairie naturelle (PN), sur la croissance de jeunes bovins normands en période estivale. La période estivale 2021, avec des précipitations très régulières à partir de mai a été très favorable à la prairie naturelle. Les croissances du lot d’animaux en prairie riche en légumineuses ont été équivalentes à celles du lot en prairie naturelle disposant d’une complémentation à base de tourteau de colza. En 2022, avec des conditions très séchantes, le pâturage tournant de la prairie riche en légumineuses a permis un allongement de la période de pâturage et des économies de fourrages et concentrés.
L'objectif de ces essais est d'évaluer les avantages et inconvénients du pâturage de prairie riche en légumineuses pour des génisses et bœufs normands en période estivale. Ces deux lots d'animaux ont été conduits en pâturage tournant sur deux prairies de surface équivalente avec le même nombre de paddock. Un suivi de la végétation a été mis en place pour référencer les densités, la croissance et la valeur nutritive des couverts en période estivale. Ces mesures ont été réalisées à chaque entrée et sortie de paddock des animaux. Les croissances des bovins ont été mesurées grâce à trois pesées durant l’essai (début, milieu et fin d’essai), l’affouragement et la complémentation ont également été enregistrés pour chaque lot lorsque cela était nécessaire.
Le dispositif sera reconduit deux années consécutives notamment pour tenir compte de la variabilité climatique et fourragère.
Une prairie riche en légumineuses moins sensible à la sécheresse estivale
Les conditions météorologiques des deux périodes d’essai ont été très différentes, avec un été 2021 présentant une pluviométrie régulière de mai à juillet (308 mmm) et un été 2022 très séchant avec aucune précipitation du 15 juin au 20 août (115 mm de mai à juin). En 2022, le déroulement de l’essai a donc été impacté avec une interruption du pâturage tournant sur la prairie naturelle de 39 jours entre fin juillet et début septembre, et de 18 jours sur la partie PME (de mi-août à début septembre) – Figure 1. La PME, dans le contexte séchant de 2022, a permis de limiter l’affouragement des animaux (-0.55 TMS sur la période de l’essai).
En 2021, la PME a présenté sur l’ensemble de la période de l’essai des valeurs élevées de MAT (219 en moyenne en PME et 163 en PN) et des valeurs d’UFL 2018 et PDI supérieures à la PN (Figure 2).
En 2022, la différence de qualité s’est appréciée en début d’essai jusqu’à la période d’interruption de pâturage liée à la sécheresse. Après la période de repousse associée à la reprise de la pluviométrie fin août, la différence entre les deux types de prairies s’est estompée, avec une très forte minéralisation constatée dans les prairies.
Une prairie riche en légumineuses qui convient mieux aux animaux de plus d'un an
En 2021, les deux lots d’animaux étaient âgés en moyenne de 6 mois. Pour ces jeunes animaux, une complémentation différente mais isoquantité a été apportée pendant tout l’essai : 1,8 kg d’orge + 0,7 kg de tourteau de colza par jour par animal pour le lot en PN, 2,5 kg d’orge par jour par animal pour le lot en PME. Les GMQ moyens était similaire entre les deux lots (680 g/j pour le lot PN et de 740 g/j pour le lot PME).
En 2022, les deux lots d’animaux étaient âgés en moyenne de 13 mois. Compte-tenu des valeurs alimentaires des deux prairies (PN et PME), aucune complémentation n’a été distribuée aux animaux durant la période de pâturage hormis la période de sécheresse durant laquelle le lot PN a reçu 2kg/j/animal de mélange orge/colza. Le GMQ moyen du lot PME était significativement plus élevé (780 g/j) que celui du lot PN (600 g/j). Des pesées intermédiaires ont montré que la différence s’est principalement faite sur la première partie de l’essai (1240g GMQ pour le lot PME et 540 g pour le lot PN).
L’essai mené à la ferme expérimentale de Normandie La Blanche Maison a montré l’intérêt du pâturage tournant de prairies riches en légumineuses en période estivale pour l’élevage de bœufs et génisses laitières de race normande, notamment en 2022 avec des conditions particulièrement séchantes. Cette pratique a ainsi permis de limiter l’affouragement des animaux pendant cette période et d’économiser des concentrés protéiques compensés par des prairies de bonne qualité.
En 2021, les animaux, assez jeunes (autour de 6 mois) et complémentés, n’ont que peu valorisé la qualité des prairies qui leur été proposé, très riche pour ce type d’animaux. L’affouragement a été nécessaire pour apporter de la fibre à ces animaux.
En 2022, le contexte séchant et la complémentarité des espèces de légumineuses et graminées présentes dans la PME a apporté plus de rusticité à cette prairie face au manque de précipitations. La PN a « grillé » dès le 25 juillet, alors qu’un cycle de pâturage supplémentaire a été possible dans la PME. Sur la période de l’essai, le lot PME a obtenu de meilleures croissances.
Le contexte climatique des deux années d’essai a été très différent, avec une période estivale plutôt humide et favorable à la prairie naturelle en 2021 et très sèche en 2022.